Le projet de loi dit d’accélération des énergies renouvelables déposé au Sénat est révélateur de la fébrilité de notre gouvernement face au risque de ralentissement économique que provoqueraient une pénurie d’énergie et le renchérissement du prix de l’électricité.
On y trouve pêle-mêle pour créer un sentiment d’urgence : le changement climatique, la guerre en Ukraine, les lourdeurs administratives et contentieuses. On y évoque une planète vivable en oubliant de préciser qu’elle doit être vivable pour toutes et tous. Pourtant, l’état de la planète devrait plutôt inviter le gouvernement à prendre des mesures de ralentissement de la prédation anthropique, des mesures de sobriété énergétique et de renforcement de l’efficacité énergétique.
En réalité, ce projet de loi ignore la Charte de l’Environnement et la décision du Conseil Constitutionnel du 12 août 2022 rappelant la primauté de l’environnement et de la santé.
I- Cinq oublis essentiels :
1. la France est responsable de 0,95% des émissions Monde de GES, mais de 2% en incluant les produits consommés en France mais fabriqués à l’étranger.
2. aucune évaluation des besoins en électricité entre 2022 et 2050, aucune courbe prévisionnelle.
3. aucune référence à l'existence d'alternatives sérieuses, qui ont vocation à être portées au débat public.
4. aucune mention des solutions en circuit court ne faisant pas appel à d’immenses réseaux de raccordement, ni aux solutions de captage du carbone.
5. aucune évaluation environnementale, pourtant exigée par les directives européennes. Le document de 193 pages intitulé Etude d'impact n’a rien à voir avec la protection de l’environnement.
II- Quatre affirmations non fondées :
1. Les productions d’origine renouvelable seraient les moins coûteuses. Mais c’est complètement faux comme le prouvent des études non contestées qui ont en outre le mérite de tenir compte des Coûts système et des coûts environnementaux.
2. Les EnR seraient un choix écologique. Mais les électricités renouvelables intermittentes ne contribuent pas à décarboner l’électricité (déjà décarbonée à 92%). Et elles ont un impact environnemental qui n'est plus accepté (paysages et patrimoine, biodiversité, cadre de vie).
3. La France serait en retard. Mais la France respecte, du moins pour son électricité, ses engagements climatiques. Sont par contre en retard les pays qui ont investi massivement dans les EnR, dont l’intermittence est palliée par une production d'origine fossile : gaz, voire charbon comme en Allemagne.
4. Les procédures applicables seraient trop lourdes. Mais la qualité d’une procédure se mesure au niveau de protection des intérêts prioritaires que sont l'environnement et la santé publique, ainsi qu’à la participation des citoyens dans la prise de décision selon la convention d’Aarhus, que la France a ratifiée.
III- Quels sont les problèmes que posent les articles du projet déposé :
Le gouvernement a fait machine arrière sur de nombreuses dispositions qui visiblement étaient la « commande » de la filière des EnR (relèvement des seuils de soumission à l'évaluation environnementale, et diverses dérogations de procédure contraires à la convention d’Aarhus), mais il demeure dans le texte proposé de nombreuses dispositions inacceptables pour une protection durable de l’environnement, citons-en quatre :
a, Simplification des procédures pour le développement du photovoltaïque sur les terres agricoles, pastorales ou forestières.
Mais le gouvernement oublie que l’ADEME a recensé en 2019 un potentiel solaire de 49 GW sur des sols déjà artificialisés et malheureusement non renaturables (friches industrielles, délaissés routiers et ferroviaires, anciennes carrières).
b, Reconnaissance aux EnR d'un intérêt public majeur permettant de déroger à l’obligation de respect des espèces protégées.
Mais on peine à comprendre pourquoi des énergies qui ne décarbonent pas, qui ne sont pas compétitives, qui ne contribuent pas à la sécurité d’approvisionnement de nos concitoyens et de leurs entreprises, et qui enfin ne respectent pas, ou si peu, l’environnement, pourquoi et comment elles pourraient être d’intérêt public majeur. C’est tout simplement absurde.
c, Simplification des procédures applicables à l'éolien en mer.
Mais le texte ne montre aucun souci de prévention des impacts sur les milieux marins et sur la ressource halieutique, et il ne fait aucune référence à la résolution protectrice votée par le Parlement européen le 7 juillet 2021.
d, Réduction des factures des ménages résidents proches d’éoliennes, afin de faciliter leur acceptation.
L’Etat peut-il acheter la complaisance des « ménages résidents proches » au détriment de la beauté du monde, au détriment de la biodiversité, ou des riverains ? Où est l’éthique ?
Les Écologistes tiennent à rappeler la décision du Conseil Constitutionnel du 12 août 2022 " la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation " et " les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins "
La société se comporterait-elle comme un drogué prêt à faire n’importe quoi pour avoir sa dose ? Notre société serait-elle à ce point dépendante de l’électricité qu’elle serait prête à sacrifier ce qu’elle s’est évertuée à préserver depuis un demi-siècle, depuis la première Loi de protection de la nature de juillet 1976 ?
Nous demandons de placer l’urgence et les moyens financiers de notre pays dans la recherche de la sobriété et des moyens de diminuer le recours aux énergies fossiles et de réduire notre consommation d’électricité.
La pression liée à la convergence des crises climatique et énergétique, ne doit pas nous pousser à nous jeter tête baissée vers toutes les formes d'énergies au prétexte qu'elles sont qualifiées de renouvelable. Les choses doivent être étudiées au cas par cas, sans a priori et en gardant en tête l'impératif de sauvegarder la biodiversité qui constitue l'enjeu écologique majeur. La première chose à faire est bien sur de lutter pour les économies d'énergie, la seconde de ne pas empiéter sur les territoires pour des résultats très marginaux en terme de production.