Avec l’aggravation continue du réchauffement de notre planète, la succession des épisodes climatiques catastrophiques s’accélère et s’intensifie. Ils s’étendent, deviennent plus fréquents et plus intenses.
Un rapport de l’ONU datant de 2022 stipule que les inondations ont augmenté de 134% dans le monde depuis 2000 (actualisé, ce ratio est sans doute plus élevé aujourd’hui). Avec 18 millions de Français concernés et 16 000 communes (une sur deux) potentiellement inondables, les inondations sont en France, le principal enjeu des dérèglements météorologiques. Sans même parler des submersions marines en zone côtière, les inondations représentent 56% des indemnisations versées au titre des catastrophes naturelles, devant les sécheresses (37 %) et les incendies de forêt. Ce n’est pas sans raison si les Français perçoivent les inondations comme le risque naturel le plus préoccupant.
Sans prise efficace pour inverser rapidement le réchauffement du climat, il ne reste plus qu’à nous adapter à notre échelle. Il existe déjà une batterie d’outils de maîtrise de l’urbanisme pour prendre en compte les risques (plan de protection contre le risque inondation).
La capacité des bassins-versants à retenir et infiltrer les eaux est en diminution constante sous l’effet de l’artificialisation des terres, de la fragmentation écologique des habitats naturels et de la dégradation des sols agricoles et forestiers causée par l’agriculture et la sylviculture intensives. Chaque année, c’est au moins 25 000 ha d’espaces naturels et semi-naturels qui disparaissent sous le bitume et le béton, pour étendre les zones urbaines et commerciales, ou pour construire de nouvelles infrastructures.
La loi « Climat et résilience » et son objectif « Zéro artificialisation nette » prétend constituer un rempart législatif contre ce grignotage et ce mitage du territoire. Elle prévoie de réduire de moitié l’artificialisation des sols d’ici 2030, puis d’atteindre la neutralité d’ici 2050. Cette promesse sera-t-elle tenue ? Elle se heurte à la volonté de nombreux élus d’accroître la population de leur commune. Le Premier ministre, Michel Barnier, a promis des assouplissements du dispositif. En clair, cela signifie d’en abaisser son efficacité. Certains sénateurs dénoncent « une entrave au développement des territoires ». C’est « au mieux une impasse, au pire le ferment de nouvelles contestations », estime Jean-Baptiste Blanc, sénateur (Les Républicains) du Vaucluse.
L’arrêt des extensions urbaines et notamment de toute construction dans le lit majeur des cours d’eau, rétablir la santé des sols, recréer un maillage de haies, l’abandon des labours profonds, le passage à l’agrobiologie, la sanctuarisation des zones humides (éponges naturelles), le maintien, voire l’extension des forêts à caractère naturel gérées sans coupes rases, la reconstruction des écosystèmes endommagés, comptent parmi nos meilleures défenses contre les aléas climatiques et l’effondrement de la biodiversité. De même qu’il n’est plus d’actualité de réaliser de nouvelles infrastructures (autoroutes, LGV…) : il faut préférer l’amélioration de l’existant, les mobilités douces et le train du quotidien. Quant aux indispensables énergies renouvelables, leur développement n’est envisageable qu’en zones déjà artificialisées et en mer, loin des côtes.
Mais la consommation d’espace (dont 60% est due au logement), et par voie de conséquence des inondations catastrophiques, est aussi le résultat de la croissance de notre nombre. Malgré la baisse de la natalité, le bilan des flux migratoires fait que la population française s’accroît chaque année en moyenne de 0,3%, soit 130 000 habitants supplémentaires. L’équivalent d’une ville comme Angers, ce qui est loin d’être négligeable. Dans ces conditions, il est paradoxal de mener une politique nataliste pour booster la croissance démographique de la France. C’est frontalement aller à l’encontre de la stratégie nécessaire pour faciliter notre adaptation au réchauffement climatique. Nous avons besoin de tout le contraire, d’une politique écodémographique visant à décroître ou (au pire) stabiliser notre nombre.
La sobriété démographique est indissociable d’un grand plan national de résilience intégrant et reliant entre-elles les mesures précédentes.
Bernard Bousquet
Écologue-forestier
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